Les briques financières de la DeFi

Money Legos

La DeFi fonctionne en utilisant différentes briques de Legos (layer), l’ensemble constituant un « Money Legos »

Dans cet article, nous allons nous intéresser aux instruments financiers que compose le protocole layer.

1 Les Stablecoins

Un des freins à l’adoption des cryptomonnaies et de leur utilisation au quotidien est leur volatilité. Les stablecoins ont été créées pour répondre à ce besoin de stabilité de la part des utilisateurs et des institutions.

Un actif stable ou stablecoin est une cryptomonnaie créée sur une blockchain qui réplique, en utilisant des mécanismes de stabilisation, le cours d’une monnaie ayant un cours légal, exemple de l’USDC (USD Circle) ou l’USDT (USD Tether) qui réplique la valeur du dollar.

L’utilité principale de ces cryptomonnaies est de se couvrir en cas de forte fluctuation du marché sans sortir de la blockchain.

La détention de stablecoins n’a pas vocation à être spéculative. Il est cependant possible d’obtenir un rendement grâce à la finance décentralisée.

*     Le mécanisme utilisé par les sociétés classiques (centralisées)

Circle ou Tether[1], pour ne citer qu’eux, mettent en réserve les dollars dans les banques traditionnelles. En contrepartie, elles créent ces stablecoins ayant pour vocation principale de s’échanger de pair à pair sur la blockchain Ethéreum ou d’autres blockchains.

Par exemple, afin d’émettre 100 USDC (stablecoin de Circle), la société exige la mise en garde de 100 $. Ainsi, pour chaque USDC émis, il existe un dollar mis en garantie.

Côté français, et afin de se couvrir contre la volatilité du dollar par rapport à l’euro, un stablecoin adossé à l’euro « EUR-L » a été créé par la société Lugh, mis en place sur la blockchain Tezos. Selon le site coinhouse.fr : « la société Lugh met en réserve autant d’euros que d’EUR-L en circulation. Cette réserve est stockée sur un compte hébergé par la Société Générale et audité tous les mois[2] ».

On notera que les valeurs défendues par les libertariens[3] concernant la « décentralisation » ou la « désintermédiation » ne sont pas respectées, puisque ces stablecoins sont gérées par des sociétés « centralisées », et mettent les réserves dans des banques.

C’est dans cette perspective, que des protocoles DeFi se sont lancés pour créer des stablecoins décentralisées.

*     Le mécanisme utilisé par MakerDao

Le protocole décentralisé MakerDao a été déployé en 2017 sur la blockchain Ethéreum, le stablecoin DAI qui reprend le même mécanisme[4] de « mise en réserve » que Circle et Tether mais cette fois-ci avec des cryptomonnaies comme l’ETH et avec deux nouvelles particularités :

  • La sur-collatéralisation : l’ETH n’étant pas stable, l’utilisateur du protocole met en séquestre plus de garanties qu’il ne reçoit de stablecoin. Si à une date donnée, la valeur d’un Ether est égale à 1 500 $, alors l’utilisateur qui le met en séquestre recevra la somme de 1 000 $
  • La liquidation : si l’Ether chute de plus de 50% de sa valeur, soit l’utilisateur intervient rapidement et ajoute la valeur nécessaire pour maintenir l’équilibre de la dette des 1 000 $ empruntés, soit le protocole vend le séquestre de l’utilisateur pour compenser les 1 000 $ empruntés

Grâce à ces deux particularités, le protocole continue à maintenir sa réserve et peut se permettre de se substituer à la banque. La transparence des transactions est assurée par la blockchain, donc le protocole n’a pas besoin d’obtenir une attestation comme celle fournie par PWC pour la cryptomonnaie LUGH précitée.

Cette solution décentralisée présente deux inconvénients :

  • La mobilisation d’une somme plus importante que celle empruntée
  • La gestion de la liquidation en cas de variation du marché

Cependant, MakerDao continue a créé des stablecoins pour les investisseurs utilisant la DeFi, et la valeur verrouillée sur le protocole dépasse plusieurs milliards de $[5].

2 Les plateformes d’échanges décentralisées

Après avoir résolu la problématique des volatilités par la création des stablecoins, les acteurs de l’écosystème se sont emparés de la problématique que représentent les plateformes d’échanges centralisées, les CEX, qui évoquent les intermédiaires régulés de la finance traditionnelle.

Les Decentralized Exchanges, DEX ou plateformes d’échanges décentralisées permettent de fournir de la liquidité au marché des cryptomonnaies sans passer par une entité privée. Les utilisateurs tels que les traders peuvent échanger une cryptomonnaie contre une autre sur ces DEX.

Pour comprendre le mécanisme des DEX, prenons l’exemple du mécanisme des CEX. Dans ce système, nous trouvons ce que l’on appelle des teneurs de marchés, parfois désignés courtiers, qui se chargent de la liquidité des marchés en utilisant un carnet d’ordres ; C’est-à-dire qu’ils permettent à des acheteurs d’acquérir en leur vendant des actifs, et permettent aux vendeurs de vendre en leur achetant des actifs. Ils se rémunèrent sur les écarts entre l’achat et la vente appelés «spreads ». Ils achètent les cryptomonnaies au plus bas et vendent ces cryptomonnaies au plus haut.

Les CEX tels que Coinbase, Kraken et Binance se chargent donc de la liquidité du marché, en achetant directement aux utilisateurs qui souhaitent vendre leurs cryptomonnaies, et en vendant directement à d’autres utilisateurs qui souhaitent acheter des cryptomonnaies.

La problématique de ces plateformes est qu’elles stockent les cryptomonnaies qui sont échangées et donc les détiennent ; C’est-à-dire que si un utilisateur possède des Bitcoins sur Kraken, c’est cette plateforme qui détient réellement ces Bitcoins. Ainsi, en cas de piratage de la plateforme, l’utilisateur peut perdre ses Bitcoins.

Quant aux DEX, elles permettent à un utilisateur d’acheter et de vendre des cryptomonnaies au même titre que les CEX, mais c’est l’utilisateur qui est le possesseur de ces cryptomonnaies puisqu’elles sont stockées sur son wallet. Les DEX fournissent uniquement le service de change, connu sous le terme SWAP.

Le fonctionnement du DEX est similaire à celui évoqué ci-dessus, excepté le fait que les teneurs de marchés sont des utilisateurs (Monsieur et Madame Tout le monde), appelés apporteurs de liquidités. En contrepartie, ces apporteurs reçoivent un pourcentage des frais payés par ceux qui utilisent ces DEX pour échanger, acquérir ou céder des cryptomonnaies.

Quant au carnet d’ordres, il est remplacé par un smart contract, désigné Automated Market Maker[6] (abrégés AMM) ou teneur de marché automatisé. Celui-ci utilise des algorithmes basés sur des formules mathématiques qui diffèrent d’un DEX à un autre, mais dont l’unique objectif est d’évaluer le prix des cryptomonnaies.

3 Le Liquidity Provider (LP)

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les DEX permettent à chacun de devenir LP.

Pour ce faire, le LP doit rejoindre un Liquidity Pool ou pool de liquidité. Les pools de liquidités sont composés de paires de cryptomonnaies, à l’instar des paires de devises dans la finance traditionnelle.

Exemple :

Antoine possède 1 ETH et 2 000 USDC. Supposons que le prix de l’ETH soit de 2 000 $.

Antoine souhaite générer un revenu passif sur ces cryptomonnaies et décide de rejoindre le pool de liquidité « ETH/USDC » d’un DEX. Il va ainsi mettre 2 000 USDC et 1 ETH dans ce pool. En contrepartie, il recevra l’équivalent d’un reçu numérique désigné par « LP – ETH/USDC » justifiant de sa participation. Le nombre de LP-ETH/USDC qu’il recevra sera proportionnel à son investissement dans le pool de liquidité.

Antoine recevra un pourcentage des commissions payées par tous ceux qui échangent des Ether ou UDSC sur ce DEX. Sur les CEX, ce sont les plateformes qui encaissent les commissions.

Ci-dessous le schéma de la fourniture de liquidité sur Uniswap[7], le principal DEX de l’écosystème Ethéreum :

Image : fonctionnement du mécanisme d’échanges décentralisés d’UNISWAP[8]

Être apporteur de liquidité n’est pas sans risque. L’investisseur devra savoir évaluer les « pertes intermittentes », plus connues sous le terme « Impermanent Loss » (abrégé IL). L’IL désigne la perte de capital entre le moment où un LP dépose des cryptomonnaies dans un pool de liquidité, et le moment où il les retire. Cette différence s’explique par la variation des prix des cryptomonnaies déposées.

Exemple :

Antoine dépose 1 ETH et 100 USDC (1 USDC = 1 $) dans un pool de liquidité. Le prix de l’ETH est de 100 USDC au moment du dépôt, et le total déposé vaut en conséquence, 200 $.

En outre, il y a un total de 10 ETH et de 1 000 USDC dans le pool dont fait partie Antoine, ainsi il possède 10%  de ce pool de 2 000 $.

Supposons, maintenant que le prix de l’ETH vaut 400 USDC, et supposons également, qu’il y a désormais 5 ETH et 2 000 USDC dans le pool.

Antoine, décide de retirer la totalité de ses avoirs, soit 10% du pool. En conséquence, il obtiendra 0.5 ETH (10% * 5 ETH) et 200 USDC (10% * 2 000 USDC), soit un total de 400 $. Même s’il ressort avec deux fois sa mise, il a subi une IL car s’il n’avait pas déposé son 1 ETH, et ses 100 USDC dans le pool et qu’il les avait tout simplement conservés, la valeur totale de ces actifs serait de 500 $, soit une IL de 100 $.

Des simulateurs d’IL peuvent être utilisés avant de déposer des cryptomonnaies sur un pool.

4 Le service de prêt et d’emprunt

En pratique, ces deux services fonctionnent de manière complémentaire. L’utilisateur qui souhaite emprunter, vient déposer ses cryptomonnaies en garantie (en collatéral), et en échange, il peut emprunter un pourcentage défini par les smart contracts des protocoles.

À l’instar de la finance traditionnelle, l’emprunteur paie un taux d’intérêt, ici à un protocole.

Chaque cryptomonnaie présente des taux d’intérêt définis suivant les ajustements des conditions du marché. Si la liquidité empruntable s’approche de la liquidité totale disponible, les taux d’emprunts seront élevés de façon à décourager les utilisateurs à emprunter.

En parallèle, les utilisateurs qui souhaitent générer des revenus passifs peuvent déposer leurs cryptomonnaies dans ces protocoles de Lending, et partager ainsi les frais (taux d’intérêt payés par ceux qui empruntent).

Comme tout projet DeFi, ces services de prêts et d’emprunts présentent des risques inhérents que nous avons abordé dans un précédent article.

Quant à l’emprunt, le risque de liquidation doit être maîtrisé. Le risque de liquidation désigne le fait pour un utilisateur d’être en position de sous collatéralisation, et donc d’être liquidé. La sous-collatéralisation désigne quant à elle un emprunt supérieur au montant mis en collatéral.

Un exemple d’interopérabilité entre le Lending et le LP :

Antoine dispose de 2 ETH. Il dépose en prêt 1 ETH sur Compound et commence à générer un revenu passif de ce prêt. Son prêt peut également être mis en collatéral pour emprunter 100 USDC (contre paiement des intérêts). Avec ses 100 USDC et 1 ETH restants, il apportera de la liquidité sur le DEX Uniswap pour générer un revenu complémentaire. Dans cet exemple, Antoine devra faire un arbitrage:

  • S’assurer que les revenus générés entre le Lending et le LP sont supérieurs à son emprunt
  • Est-ce qu’il ne serait pas plus intéressant de déposer uniquement ses 2 ETH sur Compound ?

L’effet de levier en DeFi est rendu possible par les rendements bien supérieurs à la finance traditionnelle, mais aussi par les possibilités offertes par l’interopérabilité des protocoles.

5 Le Yield Farming

Le Yield Farming est le processus par lequel, les utilisateurs assurent la liquidité des protocoles DeFi par exemple en faisant du Lending ou du LP, et en contrepartie, ils sont rémunérés en une nouvelle cryptomonnaie, celle du protocole nouvellement créé. Ce processus permet ainsi d’obtenir un rendement supplémentaire aux utilisateurs en faisant l’acquisition « gratuitement » de cryptomonnaies (farmer). Le Yield Farming, est une technique utilisée par la majorité des protocoles pour inciter les participants à utiliser leurs protocoles.  En général, plus le protocole est utilisé, plus la valeur de sa cryptomonnaie augmente.

Un exemple d’interopérabilité entre le Lending, le LP et le Yield Farming :

Antoine dispose de 2 ETH. Il dépose en prêt 1 ETH sur Compound et commence à générer un revenu passif. Son prêt peut également être mis en collatéral pour emprunter 100 USDC. Avec ses 100 USDC et 1 ETH restant, il apportera de la liquidité sur le DEX Uniswap pour générer un revenu complémentaire. Il pourra aussi déposer son LP token reçu d’Uniswap pour le déposer sur un autre protocole, et farmer la cryptomonnaie de ce protocole.

Attention, le risque ici est plus élevé avec cette superposition d’instruments financiers.

6 Les actifs synthétiques (Synthetics)

Les actifs synthétiques sont une forme de cryptomonnaie dont la valeur fluctue en fonction d’un ou plusieurs autres actifs de l’écosystème. Ces actifs peuvent être sur la blockchain, ou hors de celle-ci. Ils constituent des représentations numériques sous forme de produits dérivés, exemple de l’index BED qui offre une exposition à ses détenteurs au Bitcoin, à l’Ethéreum, et aux principales cryptomonnaies des protocoles de DeFi.

Ces produits dérivés sont un moyen de s’exposer à un ou plusieurs autres actifs (le sous-jacent) sans nécessairement le posséder.

Ils portent les avantages existants des cryptomonnaies telles que la création sans autorisation pour ceux sur la blockchain, et l’accessibilité de la liquidité à l’échelle mondiale, tout en surmontant un problème clé dans les dérivés traditionnels : le risque d’intermédiaires. Cela signifie qu’il n’y a pas d’intermédiaires régulés ayant un contrôle sur la création et la liquidation des dérivés.

Les actifs synthétiques sont également extrêmement prometteurs en raison de leur capacité à fractionner (on utilise aussi le terme de tokenisation[9]) n’importe quel actif du monde réel sur la blockchain.

7 Les assurances

Malgré des audits de plus en plus nombreux, le risque zéro n’existe pas.

Ces risques sont d’autant plus complexes à maîtriser que la DeFi est un empilement de briques aux effets et implications induites pas toujours prévisibles. Il était ainsi important pour cet écosystème grandissant de proposer des moyens pour s’en couvrir. Exemple Nexus Mutual, un protocole DeFi qui propose des couvertures contre des anomalies (bugs) sur les smart contracts[10].

Par ailleurs, des actifs synthétiques ont également été développés en DeFi mais aussi sur les plateformes d’échanges centralisés dont l’objectif est de se couvrir contre le risque de variation d’une cryptomonnaie. Le cours de cette cryptomonnaie synthétique évolue de façon inversement proportionnelle du cours de la cryptomonnaie pour laquelle l’utilisateur souhaite se couvrir contre la volatilité.

N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez en savoir davantage sur « Comment investir en DeFi ».


[1] Circle et Tether sont les plus gros fournisseurs de stablecoins. Elles représentent plus de 90 % des stablecoins de l’écosystème https://www.coingecko.com/en/stablecoins

[2] https://www.coinhouse.com/fr/eur-l/

[3] https://cryptoast.fr/mouvement-libertarien-fer-de-lance-politique-du-bitcoin/

[4] https://makerdao.com/whitepaper/Dai-Whitepaper-Dec17-fr.pdf

[5] https://defillama.com/home

[6] https://journalducoin.com/actualites/quest-ce-quun-amm-automated-market-maker/

[7] https://app.uniswap.org/#/swap

[8] https://uniswap.org/docs/v2/core-concepts/pools/

[9] https://blockchainfrance.net/2018/05/22/comprendre-la-tokenisation/

[10] https://nexusmutual.io/pages/ProtocolCoverv1.0.pdf

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